« La perte de l’amour juvénile ou la perte de la jeunesse » est ainsi que le metteur en scène António Simão a défini la pièce à l’agence Lusa en marge d’une répétition du texte, marquant sa première incursion dans une œuvre « de répertoire ».
Invité par la compagnie dirigée par Maria João Luís et Pedro Domingos à mettre en scène une pièce, António Simão, qui fait partie des Artistas Unidos depuis 1995, a choisi le texte pour deux raisons : d’une part plus personnelle, car cela lui rappelle « des choses importantes comme la jeunesse et l’amour de la jeunesse », et d’autre part, le « désir professionnel de travailler un texte différent de ceux qu’il a l’habitude de mettre en scène ».
« Ce n’est pas un classique grec, ce n’est pas Shakespeare, mais c’est un peu après cela, c’est un classique contemporain et j’ai ce désir de travailler un tel texte », a-t-il noté à propos de la pièce qu’il met en scène maintenant et qui, en plus de ses caractéristiques propres, « a une vision du monde évidente et ne doit pas disparaître, elle fait partie de l’histoire ».
Caractérisée par « des changements brusques et un certain abandon d’une structure plus classique », « Quand nous nous réveillerons d’entre les morts » se construit sous « une structure plus ‘wagnérienne' », a-t-il remarqué. « Parce que malgré l’existence d’un ‘leitmotiv’, le reste ce sont des tableaux qui se succèdent », a-t-il argumenté.
L’action de la pièce écrite par le dramaturge norvégien en 1899 tourne autour du sculpteur Arnold Rubek qui, après un certain temps d’exil, retourne en Norvège pour passer l’été avec sa femme, Maja, dont l’insensibilité artistique le laisse insatisfait.
Malgré le succès obtenu avec le chef-d’œuvre qui l’a rendu célèbre, Rubek se sent frustré lorsqu’il se rend compte qu’il a renoncé à l’amour et au bonheur en trahissant son art.
C’est alors qu’il retrouve Irene, la femme qui, après lui avoir servi de modèle et d’inspiration pour l’œuvre consacrée par la critique, s’était éloignée.
Irene accuse Rubek de lui avoir volé son âme et extorqué son énergie, détruisant ses rêves et sa vie en exposant sa nudité comme un objet artistique sans réfléchir à ce que cela représenterait pour elle.
La rencontre entre Irene et Rubek se présente cependant comme une possibilité de revenir en arrière et de corriger les erreurs commises.
« Quand nous nous réveillerons d’entre les morts » est une pièce peu jouée bien que l’auteur lui-même l’ait qualifiée de « clôture » du cycle qu’il avait commencé avec « Une maison de poupée », écrite vingt ans plus tôt et l’un des textes les plus joués du dramaturge qui était un précurseur du réalisme.
« Une pièce nerveuse, anxieuse et de fin de vie », avec laquelle Ibsen « fait une sorte de synthèse […] dans le sens de deviner une certaine modernité qui viendrait ensuite », a observé António Simão.
Un peu plus de deux tables rondes, deux chaises, et deux structures en bois ressemblant à des marches complètent le décor de la pièce où l’auteur élabore le résumé d’une vie en faisant en sorte que l’essentiel repose sur les affections, l’esprit et la liberté de la jeune Maja.
« Quand nous nous réveillerons d’entre les morts », comme la plupart des textes d’Ibsen, « exigent des acteurs avec une certaine expérience et surtout plus âgés », raison pour laquelle il a également fait appel à l’acteur et ami Marcello Urgeghe, avec qui il n’avait jamais travaillé.
Interrogé par Lusa sur les raisons de choisir un texte de répertoire, António Simão a estimé qu’actuellement on ne fait presque plus de théâtre de répertoire au Portugal, admettant que parfois cela lui manque d’aller voir un « Othello », « Richard III », « Le Marchand de Venise », « Œdipe roi » ou « Mort d’un commis voyageur ».
Alors que dans la littérature « on va à la bibliothèque », dans la musique « à quelques concerts lors de la période de Noël », actuellement, au théâtre comme dans l’opéra, ce qui existe « soit ce sont des versions revisitées, mais aussi des relectures ou ainsi des adaptations, donc il n’y a jamais l’opportunité de voir la pièce complète », a-t-il argumenté.
« Mais tout cela peut se travailler », a-t-il défendu, en expliquant que pour faire du Gil Vicente ou même Shakespeare avec une certaine régularité « il faudrait qu’il y ait des compagnies avec des structures qui permettent ce type de travail », car des acteurs, il y en a.
António Simão a cependant souligné ne pas avoir cette « préoccupation politico-culturelle », en soulignant que le choix de ce texte d’Ibsen était dû au fait qu’il avait été « fasciné » par le personnage d’Irene : « Par la souffrance de la femme qui a perdu l’amour qu’elle avait idéalisé, la vie qu’elle avait idéalisée et qui, également comme ‘Hedda Gabler’, incapable de réussir à vivre en société, incapable de savoir gérer la vie, est restée là dans un limbo, dans une torpeur, dans une zone éthérée dont elle n’est pas sortie ».
Avec traduction de Fátima Saadi et Karl Henrik Schollhammer, « Quand nous nous réveillerons d’entre les morts » est interprétée par Maria João Luís, Erica Rodrigues, Sílvia Figueiredo, Marcello Urgeghe, Rúben Gomes, Rodrigo Saraiva et Filipe Gomes, entre autres.
La scénographie et les costumes sont d’Ana Teresa Castelo, le design des lumières et la direction de production de Pedro Domingos, et l’assistance à la mise en scène de Sílvia Figueiredo.
La pièce sera jouée à Seixal jusqu’au 13 décembre, sauf le 11, avec des séances de jeudi à samedi, à 21h30.
Du 18 au 21 décembre, elle sera représentée au Théâtre Cinearte, siège de A Barraca, à Lisbonne, avec des récitals de jeudi à samedi, à 21h30, et le dimanche, à 17h00.
Du 13 au 15 février 2026, la pièce aura des représentations au Théâtre Municipal Joaquim Benite, à Almada, avec des séances le vendredi et le samedi, à 21h00, et le dimanche, à 16h00.
