Philippe Aghion, qui depuis trois décennies s’attache à décrire ce qui stimule la croissance économique basée sur l’innovation, a déclaré aujourd’hui que « sans croissance économique inclusive, le populisme s’installe ».
Lors d’une interview accordée à l’agence EFE peu avant de recevoir le Nobel, l’économiste, professeur à Paris et à Londres, a été interrogé sur la situation politique et économique actuelle aux États-Unis et a déclaré que le pays « risque de tomber dans un capitalisme de complaisance, où un groupe d’entrepreneurs s’empare du gouvernement et empêche l’entrée de nouveaux talents dans le système économique ».
Ainsi, le lauréat du prix Nobel d’économie souligne la nécessité de maintenir une politique de concurrence efficace, capable de préserver les mécanismes démocratiques.
Au niveau européen, Philippe Aghion estime que le principal problème « est de ne pas réussir à mettre en œuvre des innovations révolutionnaires parce qu’il n’existe pas un écosystème adéquat pour cela ».
« Il manque un marché unique, un écosystème financier propice à l’innovation et nous n’avons pas de politique industrielle forte. Les grandes entreprises innovantes en Europe sont aujourd’hui les mêmes qu’il y a 25 ans. Cela ne se produit pas aux États-Unis. Nous restons une économie de technologie intermédiaire, tandis que les États-Unis ou la Chine ont fait le saut vers les technologies de pointe », a-t-il expliqué.
Néanmoins, le lauréat considère que l’Europe surpasse les États-Unis dans tous les valeurs capables d’attirer des personnes talentueuses, mais pour que ce talent s’installe, il faut un marché unique et un système éducatif plus lié au monde du travail.
Philippe Aghion a également déclaré qu’il n’était pas d’accord avec l’idée répandue « dans les entreprises européennes de se débarrasser des travailleurs à mesure qu’ils atteignent 50 ans », car « le système économique bénéficie de la contribution de personnes de tous âges ».
En ce sens, « il n’est pas possible de prospérer en Europe sans immigration ».
« Nous avons une population majoritairement vieillissante, ce qui nous rend moins innovants. Il est nécessaire que de jeunes immigrés arrivent, déterminés à travailler, à apporter de nouvelles idées et à dynamiser l’économie », a-t-il conclu.
Philippe Aghion souligne que l’innovation et les réformes nécessaires doivent toujours être « accompagnées d’opportunités pour tous, indépendamment de leur origine, afin qu’ils aient accès à une bonne éducation et à une protection sociale. Quand la croissance n’est pas inclusive, la porte est ouverte au populisme ».