« L’entrée en vigueur du règlement européen relatif à la liberté des médias (EMFA – ‘European Media Freedom Act’) représente un jalon important pour le secteur des médias dans toute l’Union européenne », affirme le juriste, dans une interview écrite.
Dans la pratique, « ce règlement crée un ensemble de règles communes pour tous les États membres, couvrant la télévision, la radio et la presse », et « l’objectif central est de protéger la liberté et le pluralisme des médias, considérés comme essentiels pour la démocratie ».
Le règlement renforce « l’indépendance éditoriale, tant dans les médias publics que privés, et exige une plus grande transparence sur qui sont les propriétaires des médias et d’où provient leur financement, y compris la publicité d’État », et « introduit des garanties pour protéger les sources journalistiques et limite la possibilité de surveillance des journalistes ».
Le juriste met également en avant un « autre aspect pertinent » qui est la « création de mécanismes de coopération entre les régulateurs nationaux, grâce au nouveau Comité européen des services de communication sociale, et la régulation de la relation entre les médias et les grandes plateformes numériques, garantissant que les décisions de modération de contenu soient justifiées et puissent être contestées ».
L’EMFA est mis en œuvre de manière échelonnée : certaines règles sont entrées en vigueur en novembre 2024, d’autres entrent en vigueur aujourd’hui et les dernières d’ici 2027.
Interrogé sur l’impact de l’EMFA sur le marché portugais, João Leitão Figueiredo mentionne qu' »il sera assez significatif ».
« Tout d’abord, cela harmonisera les règles du secteur, mettant tous les opérateurs – nationaux et étrangers – sur un pied d’égalité, ce qui pourrait faciliter l’entrée des entreprises portugaises sur d’autres marchés européens et vice-versa ».
En termes de transparence, « les médias portugais devront désormais divulguer, de manière claire et actualisée, qui sont leurs propriétaires et quelles sont leurs sources de financement, y compris les revenus de la publicité d’État ».
À son avis, cela « pourrait accroître la confiance du public et compliquer les pratiques moins transparentes ».
Le règlement européen « renforce également la protection de l’indépendance éditoriale et des sources journalistiques, ce qui est particulièrement pertinent dans un contexte de préoccupations concernant les pressions politiques ou économiques sur les médias portugais ».
Pour les médias publics comme la RTP, « le règlement exige des critères clairs et transparents pour la nomination des gestionnaires et un financement stable, réduisant ainsi le risque d’ingérence politique ».
La distribution de la publicité d’État « sera également soumise à des règles plus strictes, ce qui pourrait modifier les pratiques existantes et promouvoir une répartition plus équitable des ressources publiques », dit-il.
« Enfin, la relation des médias avec les grandes plateformes numériques sera plus équilibrée, car celles-ci devront justifier d’éventuelles restrictions de contenu et garantir des mécanismes de recours », ajoute-t-il.
En ce qui concerne les principales difficultés de mise en œuvre, João Leitão Figueiredo souligne que l’EMFA apportera plusieurs défis.
L’expert indique que, « bien qu’il s’agisse d’un règlement d’application directe, il sera nécessaire d’adapter les procédures internes, les systèmes d’information et les pratiques administratives, tant dans les médias que dans les entités régulatrices comme l’ERC ».
L’exigence de transparence sur la propriété et le financement « peut être particulièrement complexe pour certains groupes médiatiques, nécessitant des investissements en ‘compliance’ et systèmes de rapport » et « l’harmonisation des règles sur la protection des sources et la limitation de l’utilisation de ‘logiciels’ de surveillance pourrait nécessiter des changements dans les procédures des autorités judiciaires et policières, ainsi qu’une formation spécifique », souligne-t-il.
Dans le cas des médias publics, « garantir un financement stable et exempt d’ingérence politique peut être difficile, surtout dans un contexte de restrictions budgétaires et de cycles politiques courts », considère-t-il.
L’Entité Régulatrice pour la Communication Sociale (ERC) et d’autres régulateurs « devront renforcer leurs capacités techniques et humaines pour remplir les nouvelles fonctions et participer activement au Comité européen des services de communication sociale », affirme-t-il, soulignant que « l’opérationnalisation des mécanismes de dialogue et de recours entre les médias et les plateformes numériques exigera également de nouvelles compétences et ressources ».
Enfin, « l’adoption de garanties internes d’indépendance éditoriale et de mécanismes de transparence peut rencontrer des résistances dans les organisations dotées de cultures d’entreprise moins ouvertes ou de pratiques enracinées d’influence politique ou économique », souligne-t-il, en synthétisant que « l’EMFA apporte une transformation profonde, mais exige un effort conjoint d’adaptation de la part de l’ensemble du secteur ».