La stratégie pour la communauté gitane attend depuis un an une consultation publique.

La stratégie pour la communauté gitane attend depuis un an une consultation publique.
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Aujourd’hui, c’est la Journée Nationale des Roms, mais pour l’association Letras Nómadas, il y a peu de raisons de célébrer compte tenu de « l’augmentation des partis d’extrême droite », de la déshumanisation des Roms et du conséquemment antitsiganisme, ainsi que de la discrimination, qui est « un des plats du jour ».

« Nous traversons effectivement des moments très difficiles, surtout les communautés roms », a déclaré le dirigeant de l’association Bruno Gonçalves, lors d’une interview, ajoutant que les Roms continuent « à subir des harcèlements » ou à être « repoussés dans les périphéries ».

Pour le dirigeant associatif, une des explications réside dans « des années et des siècles de persécution, qui ont conduit à l’illéttrisme, à l’éloignement et à l’ostracisation » des Roms, ce qui fait qu’il existe actuellement un « groupe de Portugais qui a un point de départ inférieur à d’autres ».

Bruno Gonçalves croit qu’il existe des solutions et que le gouvernement actuel « devra y répondre le plus rapidement possible », alertant que si dans le même pays il y a « un groupe qui a des points de départ différents et qui souffre et qui n’arrive pas à atteindre des niveaux, il est nécessaire de travailler pour cela ».

Cependant, il a dénoncé le retard dans la mise en place de la nouvelle Stratégie Nationale pour l’Intégration des Communautés Roms (ENICC), soulignant que le document est à la Présidence du Conseil des Ministres « depuis presque un an, attendant d’être envoyé pour discussion publique », bien qu’il ait déjà été élaboré et qu’il ait « les contributions d’une série de personnes ».

Bruno Gonçalves a assuré que les diverses associations roms continueront à lutter pour l’approbation et la mise en œuvre de la nouvelle ENICC, qui aurait dû être mise en place en 2022 et durer jusqu’en 2030, et qu’à ce titre, il y aura aujourd’hui une « grande réunion d’associations roms pour construire un plan d’action pour le second semestre de 2025 ».

Selon le dirigeant de l’association Letras Nómadas, le Portugal est maintenant « dans un vide légal » du fait qu’il n’y a pas de stratégie en vigueur depuis un an, ce qui, a-t-il alerté, remet en cause le fonctionnement de l’association et le soutien accordé aux populations, notamment aux enfants.

Il a assuré qu’il y a « des associations qui veulent fermer leurs portes parce qu’elles n’ont pas [d’argent] pour payer l’eau et l’électricité » et d’autres qui apportent un soutien à « plusieurs enfants au niveau du renforcement scolaire » et qui ont des difficultés à maintenir cet engagement.

Pour la sociologue et chercheuse de l’ISCTE Maria Manuela Mendes, qui a collaboré à l’évaluation de l’ancienne ENICC et qui est en train de développer la prochaine étude nationale sur les communautés roms, le moment actuel « est désolant », après tant d’années de recherche et d’actions sur le terrain.

La chercheuse a rappelé que le « contexte sociopolitique a beaucoup changé ces dernières années au Portugal », avec un « virage de fond » à droite, et s’est révélée pessimiste quant à l’avenir de la prochaine ENICC.

« Dans le contexte de la société portugaise, et pas seulement, à moins que cela ne change à nouveau dans l’autre sens, je ne vois pas ainsi des conditions très favorables à la discussion de la stratégie », a admis Manuela Mendes, indiquant que ce scénario pourrait être contrecarré « si une pression est exercée au niveau des instances européennes ».

Elle a souligné qu' »il commence à y avoir un décalage temporel déjà significatif », étant donné que l’évaluation a été conclue en 2023 et que « ce diagnostic commence aussi à perdre un peu de son actualité ».

Manuela Mendes a également déclaré que le Portugal est stagné, quant aux communautés roms, et que « cette stagnation pourrait compromettre les avancées faites » au niveau de la mobilisation de l’associatif rom, notamment dans l’éducation, la formation ou la médiation, et que cela pourrait compromettre l’avenir si la nouvelle stratégie n’est pas discutée et approuvée.

L’ENICC 2013-2022 a été prolongée pour durer jusqu’à la fin de 2023, étant prévu qu’une évaluation du document aurait dû être réalisée.

Pour l’instant, les résultats de cette évaluation ne sont pas connus et la nouvelle stratégie, pour les années 2022-2030, n’a pas été soumise à consultation publique, et n’a donc pas été mise en œuvre.

L’absence de document a déjà été critiquée par le Conseil de l’Europe, qui a déploré l’existence d' »un vide dans le document stratégique et possiblement aussi dans les mécanismes que les documents prévoyaient, ainsi que dans les finances dévolues à la mise en œuvre de la stratégie ».

La Lusa a contacté le Ministère de la Présidence du Conseil des Ministres, qui est en charge de ce sujet, mais n’a pas obtenu de réponse.