Le médecin psychiatre Júlio Machado Vaz vient de publier ‘Outonecer’, une œuvre qui invite les lecteurs à réfléchir sur le vieillissement et à « regarder en soi », tout en réalisant un exercice d’auto-assistance et en parlant de la peur que ce processus (également) lui provoque.
Écrit sur un ton confessionnel, sans jamais perdre l’humour qui le caractérise, le sexologue aborde dans ‘Outonecer’ divers aspects liés au vieillissement.
De l’amour au sexe, de la perte aux conquêtes, des voyages à la musique, de l’actualité politique à l’intelligence artificielle, des enfants et petits-enfants aux amis, sans oublier ses animaux, qu’il considère également comme des membres de la famille, Júlio Machado Vaz fait de ce livre un véritable « hymne à toutes les saisons de l’année », autrement dit, un voyage à travers son passé, présent et futur.
Le Notícias ao Minuto a interviewé le spécialiste par e-mail, où il s’est penché non seulement sur son ‘Outonecer’, mais aussi sur le pouvoir de l’amour (et de l’humour), de la sexualité, de l’impact des réseaux sociaux dans la vie des gens, de la croissance de la haine et du populisme, et même du « naufrage » de la démence.
Il est naturel que « l’urgence de vivre » s’accentue avec le temps
Vous avez récemment publié ‘Outonecer’, où vous faites plusieurs réflexions sur le vieillissement et invitez ceux qui traversent cette étape à agir plutôt que réagir, car « il est urgent de vivre ». Avez-vous toujours eu cette ‘urgence’ ou avez-vous pris conscience d’elle au cours des saisons de votre vie ? Pourquoi ?
Il est naturel que « l’urgence de vivre » s’accentue avec le temps qui passe. Finalement, nous nous rendons compte que la mort n’est pas une réalité abstraite, mais qu’elle nous attend sous peu. Cette notion, généralement, nous pousse à repenser nos priorités et à essayer de dépouiller notre parcours de préoccupations et d’objectifs que nous en venons à considérer non fondamentaux.
Ce livre est-il une sorte de catharsis? De l’auto-assistance ?
Dans des livres comme ‘Muros’, ‘O Tempo dos Espelhos’ et ‘Outonecer’, j’ai cherché à mieux me connaître à travers l’écrit. En ce sens, on pourrait littéralement parler d’auto-assistance. Quant aux autres, je n’ai jamais eu la prétention de leur apprendre à vivre, je n’ai pas vocation à être un influenceur.
Avez-vous peur du « retour sans retour »?
Je n’ai pas peur de la mort, c’est un simple retour à la non-existence. En revanche, ce qui m’inquiète, c’est la qualité du trajet qui y mène, raison pour laquelle j’aimerais conserver l’autonomie nécessaire pour prendre les décisions que je juge appropriées.
L’amour est une arme puissante pour nous aider à vivre et non à simplement survivre
Et l’amour, comment peut-il aider à surmonter la peur de vieillir?
L’amour est une arme puissante pour nous aider à vivre et non à simplement survivre. À tout âge !
L’amour évolue-t-il au fil de la vie? La façon de vivre l’amour à l’âge adulte et pendant l’« automne » de la vie est-elle différente? En quoi?
L’amour ‘automnal’ est souvent plus mature, moins soumis à l’ombre ‘impérialiste’ de la passion. Une éventuelle pacification n’est pas ressentie comme un sentiment de deuxième ordre, mais comme un approfondissement de l’intimité qui va bien au-delà de la nudité des corps.
Parmi les réflexions sur le passé, le présent et l’avenir, vous évoquez plusieurs souvenirs. Quels sont pour vous les plus heureux et les plus marquants que vous mentionnez dans ce livre?
Je garde des souvenirs précieux de voyages dans le Languedoc, en Provence et dans ma chère Barcelone, mais peut-être que les plus marquants résident à Cantelães, où chaque fois que je peux, je réunis la tribu autour de la table de la cuisine. Ces ‘festins’, si vous me permettez l’expression, ont toujours été empreints de tendresse et de joie sans comparaison.
À un moment donné, vous révélez que vos parents ont souffert de démence, ce qui vous a amené à craindre d’avoir également cette maladie. Comment ce type de ‘trauma’ peut-il affecter la façon dont on vit le vieillissement?
Comme tant d’autres, je nourris une profonde inquiétude face à la perspective de perdre la lucidité. Les tristes fins de vie de mes parents n’ont pas fait naître cette préoccupation, mais l’ont soulignée en gras. Pour ce que cela signifierait pour moi et pour ceux qui m’entourent, le spectacle du naufrage de ceux que nous aimons est profondément angoissant.
La sexualité des personnes âgées est encore sujette à discrimination
Dans le livre, vous abordez également un sujet qui est souvent encore tabou parmi les aînés: la sexualité. Comment démystifier ce sujet peut-il aider à vivre cette étape de la meilleure façon possible?
La sexualité des personnes âgées est encore sujette à discrimination. Malgré les avancées culturelles, il n’est pas rare que les personnes âgées soient perçues comme asexuées ou réduites à la bénédiction de la tendresse. C’est faux. À une éventuelle diminution quantitative s’ajoute souvent une amélioration qualitative due à la diminution des tabous et des fantasmes de compétition et à l’approfondissement de la communication.
Dans ‘Outonecer’, vous parlez aussi des réseaux sociaux, de l’intelligence artificielle. En tant que médecin psychiatre, quel est le principal impact de ces nouvelles technologies sur le vieillissement ? Et sur la vie en général ? Quels en sont les pour et les contre, selon vous?
Les nouvelles technologies peuvent et doivent être précieuses dans la lutte contre l’épidémie de solitude qui frappe l’ensemble de la société, mais qui est particulièrement féroce pour les personnes âgées. Dans la vie en général, les bienfaits sont évidents, de la science au quotidien le plus banal, il suffit de se rappeler les périodes de confinement durant la pandémie. En tant que psychiatre, je m’inquiète surtout des cas de dépendance de plus en plus nombreux, qui sont loin d’être le monopole des plus jeunes. Ce remplacement du réel par le virtuel entraîne des difficultés préoccupantes au niveau du développement psychologique et des outils qui permettent l’empathie et la cohésion sociale.
Pensez-vous que celles-ci aident également à répandre le discours de haine et le populisme?
Sans le moindre doute, elles favorisent la propagation de nos tendances les plus mesquines, à l’abri ou non de l’anonymat. Si l’on ajoute à cela la passion de l’algorithme pour l’augmentation des vues sans la moindre préoccupation éthique, un terreau idéal pour la haine et le populisme est créé par les certitudes qu’ils véhiculent.
Bien que vous abordiez plusieurs sujets sérieux – comme la perte de plusieurs personnes -, de manière touchante, vous ne perdez jamais votre humour. L’humour est-il aussi une forme de thérapie ?
Oui, quand je perdrai la capacité de rire de moi-même, non seulement je n’aurai plus le droit de sourire, amusé, face à la vie en général, mais je craindrai pour ma santé mentale, le rire est une forme privilégiée d’autocritique et celle-ci est indispensable à la lucidité.