Création de Victor Hugo Pontes traverse plusieurs étapes de la vie sur scène

Création de Victor Hugo Pontes traverse plusieurs étapes de la vie sur scène

La Companhia Maior, fondée en 2010, est un projet dans le domaine des arts de la scène, développé avec des interprètes ayant atteint l’« âge majeur ». On pourrait donc penser qu’en « A esta hora, na infância neva » ne participent que des artistes de plus de 60 ans, mais il n’en est rien.

Pour ce spectacle, en plus des sept interprètes de la Companhia Maior, Victor Hugo Pontes a décidé d’inclure également deux danseurs et un musicien âgés de 20 à 30 ans, ainsi que six enfants âgés de sept à dix ans.

« L’idée n’était pas de représenter différentes générations sur scène, mais plutôt les différentes étapes d’une même personne. Comme si nous pouvions capturer la relation physique des corps à différents moments de la vie d’une personne », a expliqué le metteur en scène à Lusa pendant les répétitions.

Dans ses spectacles, Victor Hugo Pontes aime partager la création avec les interprètes qu’il dirige, échangeant des idées et recevant des propositions. Et « A esta hora, na infância neva » n’a pas fait exception.

Pour expliquer le processus, le chorégraphe a utilisé une « image très jolie » partagée par l’un des interprètes du spectacle, Carlos Nery, « qui a 92 ans, une grande expérience au théâtre et a participé à presque toutes les productions de la compagnie ».

« Un jour, il s’est tourné vers moi et m’a dit : ‘C’est curieux, car avec les autres metteurs en scène ou directeurs, on commence avec l’oignon et on le pèle pour comprendre les couches qu’il a. Dans ton cas, c’est l’inverse, tu commences avec l’intérieur de l’oignon et ensuite, nous comprenons quelles couches l’oignon a, jusqu’à obtenir la forme de l’oignon' », a-t-il raconté.

Victor Hugo Pontes est parti de l’idée d’exploration physique : « Quelles sont les différences, les contrastes, ce que l’on gagne, ce que l’on perd avec l’âge ».

« Du côté physique même du corps, visuellement aussi. Mais après, j’étais intéressé par la construction d’une autre narration et d’une autre projection », a-t-il ajouté.

Au cours du processus, les interprètes plus âgés ont partagé des souvenirs, tant de l’enfance que du début de l’âge adulte, la phase que traversent les trois artistes plus jeunes.

« C’est également à partir de ces souvenirs que nous avons construit le spectacle, avec une grande inspiration tirée de la pièce ‘Azul longe nas colinas’ [du britannique Dennis Potter] et d’un livre de mémoires de l’Américaine Patti Smith intitulé ‘Just Kids' », a-t-il déclaré.

Le livre de Patti Smith, contemporaine des plus âgés, « a beaucoup inspiré les plus jeunes », car il rapporte des souvenirs des jeunes années de la chanteuse, compositrice et poétesse de 78 ans.

« C’est comme si les plus jeunes vivaient la vie des plus anciens, ou les symbolisaient dans leur jeunesse, mais en même temps, on ne sait pas qui regarde qui. Si ce sont les plus jeunes qui se voient quand ils seront plus âgés, ou si ce sont les plus âgés qui regardent en arrière pour voir ce qu’ils pouvaient faire, ou ce qu’ils étaient quand ils avaient entre 20 et 30 ans », a-t-il affirmé.

Pour Victor Hugo Pontes, « l’une des beautés de ce spectacle est justement cela » : « comprendre que ces corps ont été agiles, ont été des enfants, ont bougé, ont dansé, ont interprété ». « Qu’ils ont eu toute une agilité qui, soudain, quand nous les trouvons à un âge avancé ou dans la vieillesse, nous pensons toujours qu’ils ont toujours été ainsi », a-t-il défendu.

Dans le spectacle, des vidéos sont projetées avec des gros plans des visages des interprètes, « pour voir ce contraste entre un visage de 90 ou 80 ans et un visage de 20 ans », la façon dont « le temps marque également, physiquement et dans l’intensité avec laquelle on interprète, ressent les choses et les fait ».

« Et le temps même que nous accordons à faire, car les choses acquièrent un autre rythme, une autre vitesse avec la vieillesse, parce que les choses commencent à ralentir, d’une certaine manière », a expliqué Victor Hugo Pontes.

Ce face-à-face, entre ce que l’on est et ce que l’on a été, est également présent dans la projection de photos des interprètes plus âgés lorsqu’ils étaient jeunes.

« Là, il y a une grande identification, dans le sens où nous avons tous un passé, nous venons tous de quelque part. Et cela pour moi est aussi l’une des forces de ce spectacle », a-t-il dit.

Bien que ce soit la première fois qu’il dirige la Companhia Maior, Victor Hugo Pontes avait déjà eu un contact avec le projet en 2013, en tant qu’assistant à la mise en scène de Nuno Cardoso dans « A visita da velha senhora ».

Le processus de création et de répétition a été « très plaisant ».

« Je me suis beaucoup amusé avec les plus âgés, et même avec les plus jeunes. Pas tellement avec les enfants, car ils ont une participation très symbolique, mais très importante car ils représentent l’enfance d’une personne. Avec les jeunes adultes et les plus âgés, c’était très beau, parce qu’il y avait beaucoup de contagion, beaucoup de partage, beaucoup d’inspiration des deux côtés », a-t-il partagé.

Victor Hugo Pontes croit qu’à un certain moment du processus, « les plus âgés en voyant les plus jeunes se revoient beaucoup dans ce qu’ils pouvaient faire, comment ils étaient ou comment ils s’inspiraient ».

« Et je pense que dans leur tête, ils continuent à se mouvoir comme les plus jeunes, bien que le corps soit déjà autre. Un corps plus âgé est plein de mémoire, il est sculpté par le temps », a-t-il indiqué.

« A esta hora, na infância neva », qui sont deux vers « volés » à Manuel António Pina, se produit en première ce dimanche au Centre Culturel de Belém, à Lisbonne, où il sera également présenté lundi, mercredi et jeudi.

Le spectacle sera en tournée en 2026 avec des dates à Ponta Delgada (21 février, au Teatro Micaelense), Barcelos (21 mars, au Theatro Gil Vicente), Vila Real (26 septembre, au Teatro Municipal), Loulé (9 octobre, au Cineteatro Louletano) et Braga (13 novembre, au Theatro Circo).