Bea Lema dit qu’il y a encore beaucoup à dire sur la santé mentale.

Bea Lema dit qu'il y a encore beaucoup à dire sur la santé mentale.

‘Corpo de Cristo’ est la première bande dessinée de l’autrice galicienne Bea Lema, récemment publiée au Portugal par l’éditeur Iguana et sert de prétexte pour une exposition d’originaux au festival AmadoraBD.

 

S’inspirant de sa propre vie, le livre met en scène Vera, une fille qui raconte sa relation avec sa mère, profondément religieuse et à qui une maladie mentale a été diagnostiquée, une maladie pour laquelle elle refusait tout traitement médical.

La narration suit la croissance de Vera et l’impact de la maladie de sa mère au sein de la famille ainsi que les relations avec les voisins, amis et autres membres de la famille. Vera devient, dès son plus jeune âge, la gardienne de sa mère, face à une société qui a du mal à gérer la maladie mentale.

Avec un peu d’humour et de sensibilité, le livre dresse un portrait du rôle de soignant, presque toujours attribué à la femme, parle de traumatismes, d’incompréhension et de stigmatisation liés à la maladie mentale, ainsi que du fanatisme religieux et patriarcal.

Le dessin, à mi-chemin entre l’illustration et la bande dessinée, a été réalisé avec une technique mixte utilisant des feutres et des broderies manuelles et à la machine, en couleurs et en noir et blanc.

‘Corpo de Cristo’, œuvre sur laquelle Bea Lema a commencé à travailler il y a presque dix ans, a d’abord été dessinée en galicien, mais le projet a été développé lors d’une résidence artistique à Angoulême, en France, qui a abouti à cette bande dessinée brodée, largement saluée et récompensée, notamment avec le prix du public au festival de la BD d’Angoulême 2024 et le Prix National de BD d’Espagne 2024.

Dans une interview à l’agence Lusa, Bea Lema a expliqué que dans cette autofiction, elle voulait raconter sa propre histoire, comprendre ce qu’est la folie, comment elle est devenue la mère de sa propre mère et pourquoi la responsabilité d’un problème de santé mentale repose toujours sur le malade.

« Il n’y a pas d’écoute [du malade] et on ne valorise pas son contexte personnel, sa façon de vivre, son passé, son contexte. Lorsque j’ai commencé à travailler là-dessus, j’ai compris qu’il existait des mouvements [au sein de la psychiatrie] qui critiquent ce type d’approche », a-t-elle raconté.

Dans ‘Corpo de Cristo’, la mère de Vera dit qu’elle a un démon dans le corps et que seule la foi et la religion peuvent la guérir.

« Pour moi, ces démons avaient une autre valeur, ils avaient un message sur la racine du problème, associé à l’abus au sein de la famille. Cela existe dans de nombreux cas et reste un tabou », a souligné l’autrice.

Pour Bea Lema, les questions de santé mentale sont d’actualité « et c’est super positif ». « Mais quand on parle de psychoses, il y a encore beaucoup à faire et à dire. C’est parce que cela fait peur, la psychose est comme une perte de contrôle et il y a un imaginaire collectif qui l’associe à un film d’horreur, à quelqu’un de dangereux ».

Bea Lema a brodé des dizaines de pages de l’histoire à la main, avec des matériaux recyclés et déjà utilisés, renvoyant à l’histoire de sa mère, qui cousait, et à une technique qui permet à l’erreur et enrichit visuellement la narration.

« Je m’intéresse aussi à l’idée de réutilisation, le tissu comme quelque chose de vécu, qui a une histoire associée, c’est métaphorique sur les secondes chances », a-t-elle expliqué.

À propos de ‘Corpo de Cristo’, Bea Lema vient de terminer une adaptation de l’histoire en un court-métrage d’animation, qui sera présenté en novembre en Espagne.

« La bande dessinée est un média très libre et le papier permet tout, mais l’animation m’enthousiasme aussi, car elle m’emmène vers d’autres lieux et un travail en équipe ».

Le Festival de Bande Dessinée de l’Amadora commence jeudi, et parmi les expositions, l’une est dédiée à ‘Corpo de Cristo’, avec une sélection d’originaux brodés. Selon l’organisation, Bea Lema sera présente au festival le week-end du 01 et 02 novembre.