« Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir l’Ukraine, mais nous ne violerons pas les traités. […] Pour que la BCE agisse comme un mécanisme de soutien pour remplacer les engagements que les États membres doivent assumer par le biais de garanties avec la Belgique, où les risques sont concentrés, cela constituerait une violation de l’article 123 du traité » de l’Union européenne (UE), a déclaré aujourd’hui Christine Lagarde.
En parlant de la proposition de prêt de réparations à l’Ukraine, lors d’une audition à la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, à Bruxelles, la responsable a souligné : « Je n’ai pas été nommée présidente de la BCE pour violer les traités, nous ne pouvons pas subventionner les obligations des États membres ».
« Ce n’est pas que nous refusons, nous disons simplement que nous devons respecter le traité de l’Union européenne en ce qui concerne le fonctionnement de la BCE et mon fort espoir […] est qu’il soit clair que cela est une obligation budgétaire pour tous », a-t-elle précisé.
La Commission européenne a proposé aujourd’hui un prêt de réparations polémique basé sur des actifs russes gelés pour soutenir l’Ukraine en 2026 et 2027, une proposition qui rencontre l’opposition de la Belgique, pays qui abrite une grande partie de ces biens gelés (dans l’institution financière Euroclear), et soulève des doutes juridiques et sur la stabilité de la monnaie unique.
Bien qu’elle n’ait pas encore consulté la proposition finale, Christine Lagarde a souligné que la sauvegarde des titres et fonds nationaux et internationaux détenus dans l’institution financière belge « pourrait être menacée en toute situation car la Russie aurait soudainement le droit légal de réclamer le remboursement de ses actifs et Euroclear ne serait pas en mesure de le faire ».
Cette position intervient après que la BCE a refusé de fournir une liquidité d’urgence au prêt de réparations proposé à l’Ukraine, avertissant qu’une telle mesure violerait les traités fondateurs de l’Union européenne et compromettrait l’indépendance de la banque.
La majeure partie des actifs concernés, environ 185 milliards d’euros, est déposée chez Euroclear, raison pour laquelle les pays devraient fournir des garanties budgétaires.
Bruxelles a donc approché la BCE, qui a de son côté affirmé qu’une telle mesure équivaudrait à subventionner les dépenses publiques, ce qui est interdit par les règles communautaires.
Selon la proposition dévoilée aujourd’hui, le prêt de réparations impliquerait que Bruxelles contracte, en faveur de l’Ukraine, des prêts auprès d’institutions financières communautaires détenant les actifs figés de la Banque centrale de Russie, constituant ainsi un crédit basé sur les actifs russes gelés dans l’UE en raison des sanctions européennes appliquées à Moscou pour l’invasion de l’Ukraine, qui s’élèvent à 210 milliards d’euros.
Il serait remboursé après le paiement de réparations de la Russie à l’Ukraine et, face aux réserves juridiques de la Belgique (où se trouve une grande partie de ces actifs), il serait accompagné d’un mécanisme de solidarité dans l’Union.
Aujourd’hui également, un crédit de l’UE pour soutenir ces besoins financiers à Kiev a été proposé.
Le Fonds monétaire international estime que ces besoins s’élèvent à environ 137 milliards d’euros au cours des deux prochaines années et l’UE propose d’y répondre — comme alternative au prêt de réparations — avec une émission de dette pour couvrir deux tiers, soit une somme de 90 milliards d’euros pour 2026 et 2027.
Le sujet sera discuté par les dirigeants de l’UE lors du sommet qui se tiendra dans deux semaines, dans une réunion de haut niveau vue comme décisive pour parvenir à un accord étant donné que l’Ukraine sera sans financement au printemps prochain.
La Russie a envahi l’Ukraine en février 2022.
