Le gouvernement a annoncé le 24 juillet que l’économiste Álvaro Santos Pereira, économiste en chef de l’OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques et ancien ministre de l’Économie de 2011 à 2013 sous le gouvernement PSD/CDS-PP de Passos Coelho, sera le prochain gouverneur de la Banque du Portugal (BdP), ne renouvelant pas le mandat de Mário Centeno.
Centeno demeure encore gouverneur car Santos Pereira doit passer par l’interrogation parlementaire avant d’être nommé, ce qui a été reporté après les vacances parlementaires.
Selon la Loi Organique du BdP, le gouverneur doit intégrer le conseil de la Banque Centrale Européenne (BCE) et y participer aux décisions (notamment de politique monétaire, telles que les décisions relatives aux taux d’intérêt), coordonner l’activité de la Banque du Portugal – analyse économique, supervision et régulation du secteur bancaire et résolution des banques si nécessaire.
Pour les cinq prochaines années, durée du mandat de gouverneur, le cahier des charges de Santos Pereira est étendu, comme on peut déjà le prévoir.
S’adapter à la ‘machine’ Banque du Portugal
Les prochains mois seront cruciaux pour Santos Pereira afin de s’adapter à la ‘machine’ BdP, qui a une culture organisationnelle et institutionnelle propre, réputée efficace mais non exempte de ‘guerres’ entre départements.
Il devra également s’affirmer comme banquier central, notamment dans les processus de politique monétaire et de supervision bancaire, auxquels il n’a jamais été impliqué, et promouvoir des relations institutionnelles et personnelles avec d’autres gouverneurs et au sein de la BCE (un domaine qui pour Mário Centeno aurait été plus facile étant donné qu’il avait auparavant été ministre des Finances et président de l’Eurogroupe).
Politique Monétaire
Álvaro Santos Pereira rejoindra le Conseil de la BCE, principal organe décisionnel de la banque centrale, qui réunit les gouverneurs de toutes les banques centrales de la zone euro ainsi que les six membres de la commission exécutive, chargés d’analyser l’évolution économique et monétaire et de décider comment intervenir. C’est ce conseil, dirigé par Christine Lagarde, qui prend des décisions fondamentales pour la vie des citoyens comme l’évolution des taux d’intérêt (avec un impact direct sur le coût des crédits et la rémunération des dépôts).
Jusqu’à présent, le Portugal a adopté une posture plus flexible en défendant une réduction plus rapide des taux d’intérêt, bien que prudente, par rapport à d’autres membres.
Analyse économique et relations avec le Gouvernement
La Banque du Portugal produit régulièrement des analyses de l’économie portugaise (le prochain Bulletin Économique sort en octobre) et des politiques publiques. Les alertes de Centeno (ancien ministre des Finances du PS et nommé gouverneur par le gouvernement PS d’António Costa) sur la situation du pays et des comptes publics ont contribué à la relation tendue entre BdP et les récents gouvernements PSD/CDS-PP.
Avec Álvaro Santos Pereira comme gouverneur, on s’attend à une relation moins tendue. Les dernières déclarations de l’économiste montrent une proximité avec les idées de l’exécutif. En juillet, dans une interview accordée à Expresso, il a défendu une réduction des impôts, notamment pour les entreprises et les particuliers, a considéré positif l’existence d’un ministère de la Réforme de l’État et a soutenu que la question du travail devait être retirée de la Constitution et que le Portugal devrait s’inspirer du modèle scandinave de ‘flexisécurité’.
Superviser le secteur bancaire et la vente du Novo Banco
La régulation et la supervision du secteur bancaire sont des responsabilités fondamentales de la Banque du Portugal, qui effectue des analyses régulières du secteur (y compris des inspections) ainsi que des vérifications pour s’assurer que les institutions et les administrateurs respectent leurs exigences.
La régulation bancaire pourrait être revisitée dans les prochaines années, car de plus en plus de voix estiment qu’il y a une régulation excessive qui nuit à la compétitivité.
Outre les recommandations et avertissements que les banques doivent suivre, la Banque du Portugal agit également de manière informelle et avec des alertes publiques (déjà cette année, Centeno a critiqué les faibles intérêts des banques portugaises sur les dépôts).
Sous la direction de Santos Pereira, la Banque du Portugal supervisera également les consolidations de marché et les ventes de banques.
La vente du Novo Banco au groupe bancaire français BPCE est en cours. L’affaire nécessite le ‘feu vert’ des régulateurs financiers, y compris de la BCE (puisque la supervision du Novo Banco se fait à Francfort) et implicitement de la Banque du Portugal.
La Banque du Portugal doit également décider de la vente de la Banque Portugaise de Gestion (BPG) aux Chinois de V Credit.
Pertes opérationnelles
La Banque du Portugal a, pendant des années, contribué des dividendes importants aux comptes publics grâce aux gains obtenus avec la dette publique acquise par la politique expansionniste de la BCE.
Avec le changement de cycle monétaire, le BdP a présenté en 2023 et 2024 des résultats opérationnels négatifs, résultats communs à d’autres banques centrales européennes, et a utilisé des provisions pour couvrir la perte opérationnelle.
Le BdP a déclaré que le coussin pour provisions est suffisant pour couvrir les pertes qui pourraient survenir dans les prochaines années.
Résolution du BES
La résolution de la Banque Espírito Santo (BES) remonte à 11 ans, mais il subsiste des centaines de procédures devant le tribunal, y compris contre le BdP.
Nouvelle siège
La nouvelle siège du BdP a été la dernière des controverses entre Mário Centeno et le gouvernement, et a conduit le ministre des Finances, Miranda Sarmento, à demander un audit à l’Inspection Générale des Finances sur le sujet, notamment sur la valeur des futures installations.
La semaine dernière, le parlement a approuvé deux demandes pour entendre encore le gouverneur du BdP et pour la mise à disposition des documents, tous deux liés au contrat signé, en mai, avec l’assureur Fidelidade pour acheter un bâtiment sur le terrain de l’ancienne Foire Populaire, à Entrecampos, Lisbonne, pour la future siège de l’institution. La construction de la nouvelle siège du BdP est encore au début et ce processus devra être poursuivi par Santos Pereira.