José Sócrates est arrivé au Campus de la Justice, à Lisbonne, où son procès commence ce jeudi 3 juillet. Des dizaines de journalistes l’attendaient.
L’ancien Premier ministre a d’abord déclaré qu’il ne s’exprimerait pas, mais a finalement fait plusieurs déclarations et même des accusations.
« Il y a quatre ans, je suis sorti de ce tribunal acquitté de toutes les accusations portées par le ministère public (MP) contre moi. Quatre ans plus tard, je suis contraint de revenir au tribunal pour répondre exactement aux mêmes accusations qu’il y a quatre ans, » a-t-il commencé, réitérant les critiques déjà adressées aux procureurs.
« En somme, ce que fait le système judiciaire, c’est ceci : il y a quatre ans, la décision d’instruction n’a pas été valable. Et pourquoi? Parce qu’il y a eu une erreur de rédaction, fondée sur l’idée que les sept procureurs qui ont signé l’accusation se sont trompés. Ils se sont tous trompés en même temps, et justement sur cette partie de l’accusation, la plus noble et la plus importante, qui concerne la qualification juridique des comportements, » a-t-il ironisé.
Procès 11 ans après l’arrestation
Onze ans après l’arrestation de José Sócrates à l’aéroport de Lisbonne, le procès de l’Opération Marquês commence ce jeudi, impliquant l’ancien Premier ministre et plus de 20 accusés ainsi que plus de 650 témoins.
La première séance du procès est prévue à 9h30 au Tribunal Central Criminal de Lisbonne, au Campus de la Justice, où le collectif de juges présidé par Susana Seca jugera l’ancien Premier ministre et les autres accusés, entre individus et entreprises, pour 117 crimes.
Le principal accusé, José Sócrates, initialement accusé de 31 crimes, répondra à 22 d’entre eux, dont trois de corruption passive de titulaire de fonction politique, 13 de blanchiment de capitaux et six de fraude fiscale qualifiée.
L’ami de l’ancien Premier ministre, l’homme d’affaires Carlos Santos Silva, est l’accusé ayant le plus de crimes imputés par l’accusation du MP, répondant pour 23 crimes, contre 33 initialement, dont un crime de corruption passive de titulaire de fonction politique, un de corruption active, 14 de blanchiment de capitaux et sept de fraude fiscale qualifiée.
Parmi la liste des accusés figure encore l’ancien banquier de la désormais défunte Banco Espírito Santo, Ricardo Salgado, qui répond pour trois crimes de corruption active, dont un de titulaire de fonction politique, et huit crimes de blanchiment de capitaux.
Un autre accusé déjà condamné pour des affaires extraites du dossier principal est Armando Vara, ancien ministre d’António Guterres et ex-administrateur de la Caixa Geral de Depósitos, qui répond dans le dossier principal pour un crime de corruption passive de titulaire de fonction politique et un crime de blanchiment de capitaux.
De l’arrestation à l’aéroport aux 9 mois à la prison d’Évora
Le 21 novembre 2014, José Sócrates a été arrêté à l’aéroport de Lisbonne alors qu’il revenait de Paris. La situation, inédite au Portugal, se fondait sur des soupçons de crimes de corruption, fraude fiscale, blanchiment de capitaux, confirmés par le bureau du procureur général de la République (PGR) ce même jour, dans un communiqué annonçant l’enquête de l’Opération Marquês, dirigée par le Département central d’enquête et d’action pénale (DCIAP), alors dirigé par l’actuel procureur général de la République, Amadeu Guerra.
Après deux jours d’interrogatoire par l’ancien juge d’instruction Carlos Alexandre, José Sócrates s’est vu décerner une détention préventive, qu’il a purgée à la prison d’Évora pendant neuf mois, suivie d’un mois d’assignation à résidence.
Le juge rejette pratiquement toute l’accusation du MP
Depuis l’annonce publique de l’enquête jusqu’à l’accusation du ministère public, des années se sont écoulées : ce n’est que le 11 octobre 2017 que l’accusation a été connue, après de nombreux reports, et qui imputait à 28 accusés 189 crimes.
La lecture de la décision d’instruction, en avril 2021, a été l’un des moments marquants du procès, le juge Ivo Rosa ayant pratiquement rejeté toute l’accusation du MP, notamment les crimes les plus graves, ceux de corruption.
La lecture de la décision d’instruction, qui dans une décision rare dans la justice portugaise a été diffusée à la télévision, bien que seulement en image, a laissé le procureur Rosário Teixeira, responsable de l’enquête, les mains sur la tête devant le pays.
La relation récupère (presque totalement) l’accusation du MP
Une décision du Tribunal de la Relation de Lisbonne en janvier 2024 a finalement récupéré presque toute l’accusation initiale du ministère public, qui, après plus d’une décennie d’enquête et d’instruction, ainsi que de successifs recours de l’ancien Premier ministre, commence aujourd’hui à être jugée.
La question qui se pose maintenant est de savoir si ce méga-procès va encore s’agrandir. La juge Susana Seca doit décider si elle accepte de joindre au dossier principal un plus petit procès, issu de la décision d’instruction de Ivo Rosa, qui a pris une décision d’instruction le mois dernier, envoyant Sócrates et Santos Silva pour être jugés pour des crimes de blanchiment de capitaux qui pourraient ainsi être jugés en conjonction avec ceux du procès principal.