‘Des femmes et le vent’. Un mois en catamaran pour une planète plus propre.

'Des femmes et le vent'. Un mois en catamaran pour une planète plus propre.
Image de Portugal France
Portugal France

En 2022, trois femmes ont traversé l’océan Atlantique sur un catamaran en bois de 50 ans, appelé Mara Noka, dans le but de sensibiliser le monde à la problématique de la pollution, notamment celle liée au plastique.

Ce « bateau avec une âme », comme elles le décrivent, les a emmenées dans une traversée transatlantique de 30 jours, de Beaufort, en Caroline du Nord, jusqu’à l’île des Flores, aux Açores.

Pendant un mois, Kiana Weltzien, Lærke Heilmann et Alizé Jireh ont affronté divers défis, allant des tempêtes atmosphériques aux tempêtes émotionnelles.

Mais elles n’ont pas perdu leur cap. Leur objectif était d’étudier la ‘mer de plastique’ présente dans tout le Gulf Stream, de parler de l’importance de la conservation des océans, et d’inspirer d’autres personnes, surtout les femmes, à entreprendre leurs propres voyages « radicaux » pour la durabilité. Et elles y sont parvenues.

Le résultat est le projet ‘Women and the Wind’ (‘Femmes et le Vent’, en français), dédié au soutien des projets radicaux d’aventure, dirigés par des femmes et axés sur l’environnement. Le documentaire éponyme, sorti cette année, connaît un succès mondial.

Dans un échange avec le Notícias ao Minuto, par e-mail, les navigatrices, qui vivent aujourd’hui au Brésil, aux îles Canaries et aux États-Unis, ont partagé comment elles se sont rencontrées, ce qu’elles ont découvert en mer et comment a été leur arrivée au Portugal, après 30 jours d’un voyage aussi palpitant.

Elles ont parlé de « courage », de solitude, d’aventure, de peur, de déchets, des réflexions sur leur propre existence et sur l’existence humaine. Et du projet ‘Women and The Wind’, qui, seulement sur Instagram, où elles continuent à partager des moments du voyage, compte 243 000 abonnés.

Sur Youtube, il est possible de voir un teaser du documentaire, qui est déjà diffusé dans le monde entier.

Comment vous êtes-vous rencontrées et comment avez-vous eu l’idée de cette aventure à travers l’Atlantique ? Comment tout a commencé ?

Kiana est capitaine et vit en mer depuis de nombreuses années. Elle a rencontré Laerke, une designer et écologiste danoise, lorsqu’elle est passée par les îles Canaries en 2020. Laerke voulait naviguer, et Kiana, qui navigue habituellement seule, estimait que cela ne faisait sens de prendre d’autres personnes à bord que pour une cause plus grande. Ainsi, elles ont commencé à rêver d’un projet qui allie aventure et impact environnemental. À la même époque, Kiana a connu Alizé, cinéaste française, via Instagram. Trois mois avant le départ, elle lui a demandé de se joindre à la traversée. L’idée est née de l’indignation de Kiana en voyant la pollution plastique dans l’océan Atlantique lors de sa première traversée en 2019 — elle voulait transformer cela en une narrative qui inspire à l’action.

Et vous avez navigué sur un catamaran de 50 ans. Parlez-nous un peu du Mara Noka et de ce qu’il représente pour vous…

Le Mara Noka est un catamaran Wharram Narai MK1 de 1971, dont le design est inspiré des canots de la Polynésie. Ce n’est pas un bateau moderne ou luxueux — c’est un bateau avec une âme, fait pour traverser les océans de manière simple, durable et proche de la nature. Le restaurer et naviguer sur lui a été autant une décision pratique que symbolique. Il représente tout ce en quoi nous croyons : le courage, la simplicité, l’autonomie et la connexion avec la mer.

Et comment est né le documentaire ‘Women and The Wind’ ? Comment a-t-il été réalisé ? Quand a-t-il été lancé ?

Le documentaire est né de cette intention, et nous savions que nous vivrions des situations intenses sur cette route, même sans scénario, nous ne manquerions pas de matériel. Alizé a tout filmé seule, avec une caméra, dans un effort complètement indépendant. Le projet a été réalisé sans grandes structures, financé par crowdfunding et construit grâce à beaucoup d’efforts collectifs. Nous l’avons présenté en avril 2025, et depuis, nous avons montré le film dans des cinémas et des festivals à travers le monde.

Par où êtes-vous passées lors de votre voyage ? Combien de temps a-t-il duré ? Quand a-t-il commencé et quand s’est-il terminé ?

Nous avons quitté Beaufort, en Caroline du Nord (États-Unis), le 27 juin 2022, et sommes arrivées aux Açores 30 jours plus tard, naviguant sans escales à travers tout l’Atlantique Nord.

Comment était cette expérience ? Quels souvenirs gardez-vous de l’île des Flores ?

Un endroit enchanteur, avec une énergie unique. Comme Laerke l’avait décrit à l’époque, c’était comme une terre issue des rêves des navigateurs, après avoir affronté une mer aussi vaste. C’était un lieu de repos et de réalisation.

Et qu’est-ce qui s’est passé ensuite ?

Après cela, Kiana a continué de naviguer seule jusqu’aux îles Canaries, où Laerke a embarqué de nouveau vers le Cap-Vert. Là, elles ont transporté 15 planches de surf d’occasion, données par des surfeurs des Canaries. De Santiago, Kiana a navigué seule pendant 43 jours jusqu’à Ilhabela, sur la côte de São Paulo, et vit désormais à Paraty, RJ.

L’une des choses auxquelles vous avez fait face durant le voyage était la ‘mer de plastique’ présente dans l’océan. Comment voyez-vous cette problématique et que faites-vous pour sensibiliser le monde à ce problème ?

La traversée a traversé le Gyre de l’Atlantique Nord, l’une des plus grandes zones d’accumulation de plastique au monde. Contrairement à ce que beaucoup imaginent, le plastique dans l’Atlantique ne forme pas des ‘îles’, comme dans le Pacifique. Il est plutôt contenu dans les colonnes d’eau, se fragmentant en microplastiques allant de la surface jusqu’au fond de la mer. Voir cela de près a été transformateur et a réaffirmé notre désir d’agir. C’est pourquoi nous avons fondé la ‘Women & the Wind Foundation’, pour soutenir les projets de femmes qui allient aventure à des causes environnementales urgentes.

En plus des tempêtes, vous avez fait face à d’autres défis. Comment s’est passée la gestion de la vie ensemble 24h sur 24 ?

Vivre à bord exige une cohabitation très intime. Il n’y a nulle part où fuir. Tout conflit doit être résolu par le dialogue, le respect et l’écoute. Cela a été un apprentissage profond sur la façon de vivre en groupe, surtout entre femmes ayant des trajectoires et des personnalités différentes. Nous avons eu des défis, mais aussi beaucoup de tendresse et de complicité.

Ce voyage a-t-il été aussi une introspection ? Comment est-ce de se retrouver en mer pendant tant de jours ?

Oui, complètement. La mer est un miroir, on ne peut pas fuir face à soi-même. L’absence de distractions nous pousse vers l’intérieur. Ce furent des journées de beaucoup de réflexion, de solitude et de présence. Être isolée dans l’océan transforme votre façon de penser et de sentir le monde.

Quels ont été les plus grands défis du voyage ?

Garder le moral au milieu de la fatigue, faire face à la peur de l’inconnu, gérer l’imprévisibilité de la mer, et continuer même lorsque tout semblait aller de travers. Mais il y a aussi eu le défi émotionnel — de maintenir l’objectif, le lien entre nous et la confiance dans le chemin emprunté.

Et quels sont les messages que vous souhaitez transmettre avec le documentaire ?

Nous voulons montrer qu’il est possible de réaliser de grandes choses avec peu de ressources, s’il y a du courage, un objectif et une communauté. Que les femmes ont leur place dans la conduite d’aventures radicales. Que la mer peut être un lieu d’écoute, de transformation et d’impact. Et que les projets d’impact n’ont pas besoin d’emprunter des voies traditionnelles pour aller loin.