Teatro do Vestido réfléchit sur la « condition d’orphelin » post-25 avril.

Teatro do Vestido réfléchit sur la "condition d'orphelin" post-25 avril.

Les personnages sont tous rassemblés autour de la table de la mémoire et commencent à évoquer « une série d’œuvres » qui ont soutenu la création du spectacle « Torrente », pour « mieux raconter l’histoire » de la période révolutionnaire, explique à Lusa la directrice artistique du Teatro do Vestido, Joana Craveiro, lors d’une pause d’une répétition.

Les extraits d’œuvres écrites par ceux qui ont vécu le processus révolutionnaire (Artur Portela, Eduarda Dionísio, Maria Velho da Costa, Olga Gonçalves) sont lus par ceux qui ne peuvent que l’imaginer. « Nous n’étions pas là », rappellent les personnages, dans « les scènes d’un film qui n’a jamais été tourné ».

Autour de cette « table de laboratoire » se déroulera « une autopsie » de la fin d’une révolution, à « la soif d’une attente » qui « ne se calme que dans le torrent », comme chante Sérgio Godinho dans la chanson « Liberdade », le « classique » qui donne son nom au spectacle, dont la première est prévue le 08 novembre à ZDB 8 Marvila, à Lisbonne.

Toutefois, précise Joana Craveiro, le spectacle n’est pas « en accord » avec le titre et est même « une sorte d’anti-torrent », moins documentaire et informatif, plus poétique et évocateur.

Le PREC a été à la fois un moment où « on se battait encore », mais déjà « avant la grande tristesse ».

Sans être « mélancolique, ni nostalgique », la « mosaïque d’histoires » montrera « l’amertume de la fin des choses », comme le disait Eduarda Dionísio, et révélera « un certain sentiment d’orphelinat qui arrive pour […] plus d’une génération après le 25 avril » 1974, date à laquelle un coup militaire a mis fin à une dictature de 48 ans.

Ce coup initial a été accompagné par l’émergence d’un « pouvoir populaire », que personne « ne savait ce que c’était » jusqu’alors, indique Joana Craveiro, qui est née plus tard, mais a connu et fréquenté de près de nombreuses personnes ayant vécu le PREC.

« Au Portugal, il y a un mouvement auquel on assiste à partir du 25 avril que même les militaires eux-mêmes ne s’attendaient pas à ce qu’il se produise, où ce peuple qui a été opprimé pendant 48 ans, qui n’était soi-disant pas politisé, enfin, découvre soudainement qu’il est capable d’articuler des choses qu’il désire pour sa vie et qui lui manquaient auparavant », se souvient-elle.

« Torrente » s’ouvre avec l’affirmation « Tous les faits rapportés sont réels, la fiction était ailleurs » et aborde ce qui se passe après le 25 avril, « quand tout commence à se dénouer », situe la dramaturge, metteuse en scène, actrice et documentariste, qui se consacre depuis plusieurs années à la révolution portugaise.

« Comment ces générations font-elles face à ce qui s’est passé et qui a été si intense et soudain certaines choses ne se sont pas réalisées? », s’interroge-t-elle.

Joana Craveiro sait que « tous les souvenirs [sont] conflictuels », mais cela ne l’empêche pas de les travailler.

Le PREC « n’est pas enseigné à l’école, ni souvent enseigné dans les familles », souligne-t-elle, en signalant : « C’est très confortable d’avoir un seul jour, où tu fais quelques célébrations, qui avec le temps perdent aussi un peu de leur signification et puis toute la mémoire de ce qui se passe ensuite se perd. »

Dans ce contexte, « beaucoup de gens ne savent pas » ce qu’était le PREC. « Mais je suis sûre que toute personne ayant vécu l’après-25 avril […] comprendra exactement de quoi nous parlons ici. Toute personne, indépendamment de ce qu’elle peut ressentir à ce sujet », croit-elle.

On lui demande souvent si elle n’est pas « fatiguée » de travailler sur le 25 avril et Joana Craveiro admet même que, 15 ans après, cela pourrait être « le dernier projet » qu’elle consacre à la révolution portugaise, mais continue de souligner que « c’est un sujet inépuisable », qu’il soit abordé en grand ou plus en détail.

« Nous avons besoin d’une approche artistique du processus révolutionnaire portugais pour pouvoir l’étudier, le rechercher et le transmettre », revendique-t-elle.

Avec un texte de Joana Craveiro elle-même, « Torrente » pourra être vu à la ZDB 8 Marvila les 08, 09, 10 et 11 novembre, et encore cette année aussi à Coimbra, au Teatro Académico de Gil Vicente les 12 et 13 décembre.